Corsica Catolica

Le grand remplacement

23 Octobre 2020, 19:09pm

Le grand remplacement

Certains craignent ce qu’ils appellent « le grand remplacement » Ames pusillanimes ! Le grand remplacement a déjà eu lieu en Corse : 80000 Corses (plus ou moins corses) pour 350000 habitants. Et environs 600000 Corses à l’étranger, qui ne peuvent plus vivre dans leur pays natal. (nous comptons comme Corses ceux qui reviennent régulièrement dans l’île et s’y font enterrer.) Et la substance Corse se rétrécit chaque année comme une peau de chagrin. Autrement dit, dans 20 ans, il n’y aura plus de Corses en Corse ; ce sera « l’arc-en-ciel » dont rêvent nos députés ; les nouveaux venus seront les bienvenus, et c’est ainsi que la Corse sera « l’île ouverte et heureuse », pour employer l’expression de notre regretté compatriote Perfettini, titre de sa brochure prophétique.

Mais peuple et langue, voilà des réalités indissociables : la langue est le reflet du peuple ; ils vivent et meurent ensemble. Nous nous proposons aujourd’hui de décrire le « grand remplacement » de notre langue. Le français est entrain de dévorer le Corse.

Les noms, pour commencer, sont des français à peine corsisés : Voyons les enseignes de nos magasins : elles sont en français, mais, prononcé en néo-corse donnent : « l’epiceria » pour l’épicerie : mot qui a remplacé l’ancienne « butteia » ; « le « macellu » est devenu « a busceria » ; « a salameria » se dit « sciarcuteria », « a spezieria » prend le nom de « farmacia », au marché on vous vend des « legumi » au lieu de « l’ortaglia » d’autrefois ; « u sartore » devient « u tagliore », et « a taglia » signifie désormais  « a statura ». Il arrive aussi que, le mot corse oublié, on emploie tout simplement le mot français. Ainsi nous avons « a scignole » à la place du « trapanu » « suagnassi » a remplcé le Corse « curassi », « a pruminada » a supplanté « a spassighjata », etc… Cette liste est loin d’être exhaustive.

Mais ce ne sont pas seulement les mots qui disparaissent ; la syntaxe aussi s’altère, et les expressions idiomatiques, qui font la saveur des langues, cèdent la place à des remplaçants disgracieux. Ainsi, pour dire « à ta place, j’agirais autrement » on entend dire : « a a to piazza ». Certes, on comprend, mais c’est du français plaqué sur du Corse ; on dirait, dans notre dialecte : « s’era in te », ou bien « « s’era eiu ». ; « tu aurais dû me le dire avant ! » : En néo-corse, cela donne : « averie duutu dimmila prima ! » ; en Corse on aurait : « avemmila detta prima ! »  ou « c’hun da m’avia detta prima ! » « maman ta dit de rentrer » : en néo corese : « mamma t’a dettu di rientre » (selon la syntaxe française) ; mais, en Corse, « a dettu mamma chi ti rientri ». (le verbe d’abord). « ton père » : « u to babbo » ; mais, mieux : « babbitu » comme « mammata » pour dire : « ta mère ». D’autres fois, c’est l’image qui change : « il a fait place nette » se dit, en bon corse : « ha fattu nettu pullaghju ». Certaines subtilités ne sont plus senties. Le poète Martinu appinzapalu écrit, pour évoquer un vieil aveugle de son village : « Pepetru era u so nome, u so nome era » : les quatre derniers mots, répétés dans l’ordre inverse, traduisent merveilleusement la fatalité  qui s’est abattue sur le pauvre homme. On pourrait allonger la liste des disparitions de mots, des altérations de sens, des mutations de syntaxe. La langue Corse est en train de subir une transsubstantiation qui est le reflet de la transsubstantiation de  son peuple, - un peuple qui fut fier et qui parlait le « puissant idiome » qu’ admirait Tommaseo.

Le peuple Corse se meurt, sans gloire, et dénaturé. Faut-il abandonner la lutte ? Ce peuple avachi mérite-t-il de survivre ? IL faut combattre, pour ne pas tuer nos ancêtres ; et, peut-être, par la  grâce de Dieu, ressuscitera-t-il, comme Lazare sortit du tombeau.

 

Antoine Luciani

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