La Corse, le corse et l’enseignement du corse
Un triste constat : la Corse se meurt. Peut-on d’ailleurs parler d’un « peuple corse » ? Il faudrait dire : « la population corse ». Les corses sont en effet devenus, dans leur propre pays, une petite minorité : un quart environ des habitants de l’île. Et, de cette minorité, une minorité seulement s ’intéresse au sort de sa langue. Les autres en ont pris leur parti. La situation paraît donc désespérée.
Dans ces conditions, comment sauver la Corse, comment sauver le corse ? Les « nationalistes » -ou prétendus tels, s’adressent à l’Etat français, comme d’humbles quémandeurs. C’est du tueur que la victime implore le salut ! Ils seront évidemment déçus. L’Etat français, issu des « Lumières », a le devoir d’éliminer ces dialectes –volontiers appelés « patois » - qui transmettent toutes les superstitions, tout l’irrationnel, tout l’ »obscurantisme » du Moyen Age, au premier rang desquels figure évidemment la religion catholique. L’Abbé Grégoire a été le champion de ce combat pour la Raison, la Science, le Progrès, le Bonheur. L’enseignement du corse dans les Ecoles de la République ne peut être qu’un leurre. L’indépendance pure et simple est la condition nécessaire de la survie de notre langue.
Certes, en d’autres temps et en d’autres lieux, on aurait pu envisager une langue « nationale » -le français, langue officielle -, coexistant avec des langues régionales –breton, basque, alsacien, catalan, corse –langues « des travaux et des jours », parlées couramment par les habitants des diverses provinces. Rome n’a jamais contraint les peuples de son immense empire à apprendre le latin à l’école, et si les Gaulois ont renoncé à leur langue (tandis que d’autres, comme les juifs, résistaient), c’est qu’ils l’ont bien voulu. On peut penser aussi, plus près de nous, à l’Empire Austro-Hongrois : deux nations unies sous la même couronne, chacune gardant sa langue ; Mais demander que l’on parle corse en Corse dans la République française actuelle, c’est pure inconscience. Il n’y a, en France, qu’un seul peuple, le peuple français, et la République est « une et indivisible ». (Bel exemple de la sécularisation de dogmes religieux, nos révolutionnaires ayant pour la plupart reçu l’éducation des bons Pères Jésuites, pour lesquels l’hostie était « une et indivisible »). Bien que nous ayons assisté, à Evian, aux mystères de l’indivisible divisé, le dogme laïque est resté inébranlable. On a beau multiplier les suppliques à Marianne, tout ce qu’elle accordera ne sera que pièges.
La Corse a été non seulement colonisée économiquement, mais « transsubstantiée » spirituellement par une idéologie qui détruit toute identité formée par l’Histoire. Impossible d’être « Français et Corse ». On ne peut être que « Français-français ». Et tout individu qui défile sous la bannière « Liberté, Egalité, Fraternité » est d’office compté au nombre des Français, même s’il vient du fond de l’Asie, ou de l’extrême Patagonie.
Mais quelle incohérence chez nos « nationalistes » ! Ils se vantent, avec une incroyable vanité, d’avoir précédé les Français dans le culte des Lumières, et dans l’émergence de l’individu enfin autonome. Ces malheureux le croient et finissent par le faire croire ; nous n’oublions pas Hollande, Président de la République, qui déclarait sans rire que Corte avait illuminé Paris ! Et nous fûmes les témoins indignés de l’ignoble travestissement de Pascal Paoli, - le fondateur de la Nation corse, imbu de philosophie thomiste, qui avait créé son université « au service de Dieu et de la Nation », confiant l’éducation de la jeunesse à des professeurs tous thomistes, - Oui, Pascal Paoli avait en abomination les principes de la Révolution française. Et, s’il avait d’abord accueilli favorablement cette Révolution, c’est dans l’espoir, vite déçu, que le nouveau régime allait rendre à la Corse la liberté.
On dira sans doute que les choses ont changé ; la France est devenue l’Hexagonie, simple marché dominé par des puissances étrangères. Mais c’est une mince consolation de penser que la Corse va périr avec la France. Tous les observateurs nous disent que nous sommes en train de subir une transformation radicale, qui verra la fin des identités nationales, et même que se crée, dans les laboratoires des savants, une nouvelle espèce, qui sera à l’humanité actuelle ce que celle-ci est au singe. Mais nous voulons rester des hommes, avec notre histoire et nos spécificités. Là est tout le sens de notre lutte. Là est notre devoir, et notre honneur.