La Corse meurt !
C'est le cri du FLNC, pour justifier une éventuelle reprise de la lutte armée.
Une "grosse légume" de la politique locale a immédiatement répliqué qu'il ne fallait pas prendre la chose au tragique, et qu'il suffisait de résoudre "les vrais problèmes" pour que la malade soit guérie. Et quels étaient "les vrais problèmes" ? Ceux que posent l'économie ! Propos stupéfiants, qui révèlent le niveau intellectuel et moral de ce personnage.
Le FLNC a raison : la Corse meurt, et un esprit lucide jugera qu'elle est déjà morte.
Est-il possible qu'un fils de la Corse parle de "problèmes" ? Non ! La Corse n'est pas face à des problèmes qu'un technocrate peut résoudre. Les vrais Corses vivent le drame de leur patrie qui disparaît.
Le cri du FLNC vient du cœur, et il nous touche. Corsica Cristiana lui fait écho.
C'est pour nous l'occasion de clarifier, s'il en était encore besoin, notre proposition par rapport à la France.
Nous ne haïssons pas la France en tant que telle : elle a reçu, comme la Corse et toutes les nations européennes, l'empreinte du christianisme, chacune avec ses particularités. Nous aimons donc la France chrétienne : celle de St Louis et de Jeanne d'Arc. Rappelons que si le premier avait été roi de France en 1768, jamais la Corse n'aurait été française ; n'avait-il pas abandonné à l'Angleterre d'immenses domaines, sur lesquels il avait des droits incontestables, par excès de scrupules, car il n'était pas absolument certain du bien-fondé de ces droits. Il est impensable qu'il ait volé au Pape une île dont le Saint-Siège était le souverain légitime. Quant à Jeanne d'Arc, elle qui ne voulait pas d'Anglais en France, aurait-elle voulu des Français en Corse ?
Nous aimons cette France là ; mais nous vomissons la France des Lumières, qui a enfanté la Révolution. Nous ne saurions accepter l'Article 3 de la Déclaration des Droits de l'Homme, qui est une orgueilleuse déclaration d'athéisme ou de révolte contre le Créateur. Nous savons bien que l'on a voulu accréditer l'idée que la Révolution avait des racines évangéliques : liberté, égalité, fraternité. Mais c'est faux. L'Evangile dit : fraternité, égalité, liberté. Et l'inversion des termes trahit la perversité de la pensée.
Pour nous donc, la Révolution n'est pas en continuité avec le christianisme ; il est une rupture totale avec lui. Voilà pourquoi notre combat pour la sécession de la Corse n'est pas simplement politique ; il est surtout religieux, donc radical : il s'agit du salut de notre âme, et de notre sort éternel, c'est une croisade - n'en déplaise à certains! - au sens vrai du mot; c'est une guerre sainte, qui ouvre à ses martyrs les portes du Paradis.
Et, dans la République actuelle, nous n'avons pas le choix : vaincre ou mourir. Jeanne d'Arc, Ste Dévote : même combat.
Mais le combat spirituel est indissociable du combat pour la patrie terrestre. Le Patriarche Hobeiche, pendant la guerre contre les Druzes, se faisait porter, mourant, au centre de la bataille, précédé de son insigne : une croix dont la branche verticale effilée voulait dire que la Croix est faite pour être plantée dans la terre, une terre qu'il faut aimer et défendre. La patrie terrestre est l'image imparfaite, mais nécessaire, de la patrie céleste. L'église est militante.
Nous devons préciser également nos rapports avec nos aïeux qui se sont montrés bons français : nous ne les renions pas, nous n'en avons pas honte : ils ont montrés partout la vaillance et l'intelligence de notre race ; on a dit que ce sont les sous-officiers Corses qui ont fait l'Empire français. Beaucoup sont morts, hélas !, pour une patrie qui n'était pas la leur. Mais même si leur cause n'était pas juste, nous leur rendons les honneurs qu'ils méritent. Et nous honorons particulièrement ceux qui sont tombés pour leur véritable patrie : Circinello, Agostino Giafferri, les héros de Ponte Novu, et, récemment, ceux qui ont payé de leur vie leur amour pour la terre maternelle.
Ceci dit, que faire dans les circonstances actuelles ? Nous partons du fait que la République française est essentiellement anti-chrétienne, et d'essence satanique. Elle l'était dès l'origine, avec les Lumières et la Déclaration des Droits de l'Homme. L'Histoire nous enseigne que son hostilité au christianisme n'a pas faibli : La terreur, Michelet, Clémenceau, Peillon, même combat. Marianne développe implacablement son essence. La hiérarchie catholique a eu beau se soumettre, plus elle s'est faite carpette, plus elle a été foulée aux pieds. Dans le domaine, si important, de l'Education Nationale, l' "équidistance" de BHL n'était qu'une sinistre plaisanterie. C'est Michelet qui avait raison : "La République n'a pas de religion, parce qu'elle même est une religion". Et nous savons que les religions sont exclusives. La série des lois létales actuellement promulguées ne laissent guère de place au doute. La loi naturelle est constamment violée, et la course au néant s'accélère, sous la bannière d'une contre-religion qui remplace l'ancienne, avec ces cérémonies, si dignitaires, ses lieux de mémoire, ses processions et ses saints.
Nous sommes sensibles au cri du FLNC ; la Corse se meurt. Oui, le seul salut est dans l'indépendance. Mais l'indépendance pour quoi ? Telle est la question. Le FLNC ne partage-t-il pas l'idéologie régnante ? Sur ce point capital, jusqu'à présent, il s'est tu. Nous craignons qu'il ne veuille, lui, aussi, être "moderne" ; or le maître-mot de l'époque ainsi nommée est : "ne rien accepter qui ne soit expressément voulu par chacun". Cela veut dire : il faut rejeter tout ce qui nous a été donné sans que nous l'ayons voulu. Mais qui a choisi ses parents, la culture ou il est né, sa langue et ses traditions ? Tuer le Père, c'est, pour le monde moderne, non seulement un reniement, mais une nécessité logique. La marine l'a fait, le montagnard a suivi son exemple. Notons que le monde "moderne" n'est pas si moderne que ça. Il est aussi vieux que l'homme. Qui n'a rêvé de n'avoir personne au-dessus de lui ? d'être son maître ? des mythes de l'antiquité en témoignent. Icare, Prométhée… mais on n'avait pas alors les moyens de réaliser ce rêve. Avec la technique moderne, il paraît réalisable ; au mythe succède l'utopie. Nous somme à un moment unique de l'aventure humaine : non seulement franchir une nouvelle étape, mais créer en laboratoire une espèce nouvelle, qui sera à la nôtre ce que celle-ci est au singe. Nous entrons dans l'ère "cosmique". Que signifie cette
fascination pour l'astronomie, sinon la volonté de quitter la condition humaine ?
Soit ! mais si nous devenions des produits de la technique, qu'en serait-il de nos patries et de nos frontières ? Nos "nationalistes", qui se veulent toujours "en pointe", n'ont pas vu qu'ils sciaient la branche sur laquelle ils étaient assis… c'est dommage. Il n'y a nulle opposition entre Gilles et Macron, et toute sa clique, entre la NUPES et le RN. Le but est le même : le libéralisme et son hédonisme, avec les utopies qui en dérivent ; seuls les moyens diffèrent.
Quant à nous, nous combattons. Le peuple Corse, en péril, n'a pas complètement disparu : la preuve c'est qu'il est encore capable de faire bloc contre tout ce qui vient de l'extérieur : l'affaire Yvan Colonna l'a montré. La preuve, c'est aussi qu'il est encore capable d'engendrer des héros et des saints ; nous pensons à celui que nous appelons "l'enfant corse". Un enfant, qui s'est montré en témoin, en martyr. Il faut beaucoup de fumier pour produire une rose ; le fumier corse en a produit. Vraiment "là où le péril grandit, grandit aussi ce qui sauve". Et nous dirons avec le poète de la Corse :
"O Patria, o Sposa mistica, in tamanta
bassura avemu pientu e spasimatu
chi a salvazione un po' mancà. Per seculi,
fin ch'ellu durerà lu sacrifiziu
d'una razza custante d'omi veri,
O Corsica, ha da splende lu to' nome".
Et nous restons fidèles à celui qui fut notre maître sur la terre, et est maintenant notre étoile dans les cieux, Prete Mondoloni. Il nous disait : nous avons quand même le droit de dire : "nous sommes ici chez nous !". Et notre peuple, trop fier pour fléchir le genou devant un homme, a quand même le droit de choisir pour Roi, le Roi des Cieux, qui non seulement illumine les âmes, mais règne sur la société entière.
Serrons-nous donc derrière Pascal Paoli, si impudemment travesti en homme des Lumières, retrouvons, avec notre Histoire, les sources de la vie, et l'impossible de produira : la Corse, que l'on a crue morte, sortira vivante du tombeau, comme Lazare.
Lucien Antoni