Où va la Corse ?
J’admire Jérôme Bourbon , c’est un héros d notre temps .Je partage ses idées, en politique comme en religion. Sur un point , cependant, je ne saurais le suivre : « Français avant tout », ainsi se définit -il .Je dis , et nous disons avec notre mouvement Corsica Catolica : Chrétiens avant tout . Je crains que Jérôme Bourbon ne se soit laissé contaminer par l’idéologie révolutionnaire, comme moi-même autrefois : Alger, Constantine , Oran , trois départements français, donc inaliénables. N’est-ce pas là une vue mystique ? L’hostie est une et indivisible. Nos révolutionnaires ont pris la formule aux Jésuites dont ils ont , pour la plupart, suivi l’enseignement : bel exemple de la sécularisation du langage religieux, qui , vrai dans son domaine , produit des ravages quand on le rabat dans le domaine religieux . La France « une et indivisible » . A Evian , pourtant, j’assistai aux mystères de l’indivisible divisé . Je reconnus que l’unité française reposait sur d’autres bases quel l’hostie et qu’elle était le fruit de l’Histoire . Elle pouvait donc se défaire comme elle s’était faite.
Le « Français moyen » ignore tout de l’histoire de la Corse.Il est bon de lui faire connaître quelques faits.1) Par le traité de Versailles, le 15 mai 1768 ,Gênes. vend ses droits à la France: incapable de venir à bout de la révolte corse , elle a fait appel à une grande puissance, qui accepte de se substituer à elle pour rétablir l’ordre . Mais la Sérénissime devra payer les frais de l’opération. Pour recouvrer ses droits, elle devra rembourser ce que la France a déboursé, avant une date qui est fixée , faute de quoi ses droits sur la Corses reviendront à la France. Qu’en pensent les Corses, dont on n’a pas demandé l’avis ? Dans une Consulte dramatique , le 22mai 1768 . Il déclarent la guerre à la France . ( étrange Consulte , en vérité , qui ressemble étonnamment à celle du Roi d’Argos dans les « Suppliantes » d’ Eschyle . Qu’on nous permette ici une parenthèse :cette consultation nous apprend ce que Pascal Paoli et les Corses de son temps entendaient par « démocratie »
à savoir le jugement de Dieu .- ce Pascal Paoli qui est présenté comme un « homme des Lumières » par une énorme imposture qui est devenue vérité officielle !
Cette vente était-elle valide ? Certes non, car il aurait fallu l’accord du Saint-Siège, souverain légitime de la Corse par la donation de Pépin le Bref , confirmée par Charlemagne. Le Pape protesta avec véhémence. Choiseul répondit avec une rare insolence : Gênes à vendu ses droits ( argument du fait accompli) . D’ailleurs la Corse a été conquise par les armes ( argument du droit de conquête ). L’union de la Corse à la France est un cas unique : elle résulte d’un viol . Le temps peu-il légitimer un viol ?
Les Français parlent aujourd’hui de leur « colonisation » pour la condamner et faire repentance, avec leur lâcheté habituelle. Pourtant, s’ils ont pris ils ont aussi donné. En Corse ils ont tout pris et rien donné. Un seul exemple suffira : celui des scélérates lois douanières qui taxaient les produits venant de Corse tandis que ceux qui venaient de France n’étaient pas taxées. Les régimes passaient, les lois douanières demeuraient. Elles ne furent abrogées qu’en 1912, mais le mal était fait : l’économie insulaire, déjà fragile , était ruinée , et des bah millier de Corses étaient jetés sur les chemins de l’exil.
La situation démographique actuelle est le fruit de cette politique.Il y a actuellement en Corse environ 350000 habitants , qui se répartissent ainsi : 40000 maghrébins recensés , sans compter les illégaux, 230000 allogènes - Français, Russes,Portugais, Hollandais,Roumains, Allemands…et la liste n’est pas exhaustive- , enfin 80000 Corses « de souche » , alors qu’environ 600000 Corses ( nous comptons pour Corses uniquement ceux qui viennent régulièrement dans l’île et s’y font enterrer ) dispersés dans le monde entier..Nous sommes donc très minoritaires chez nous . Au rythme de 6 ou 7000 entrées par an, dans vingt ans il n’y aura plus de Corses en Corse et le problème sera résolu. Et la Corse sera devenue le dépotoir des riches, des mafieux et des touristes sexuels . Ce qu’elle commence à être. C’est la politique que les Chinois appliquent à leurs minorités, vertueusement condamnée par nos moralistes français , mais qui leur paraît naturelle en Corse .
Et pourtant il n’y avait là rien de fatal . On peut imaginer un peuple corse vivant , nombreux, intégré dans l’ensemble français, oubliant ses griefs contre la France ( car si les griefs entre nations étaient éternels, ce serait la guerre de toutes contre toutes ) . Songeons à la distinction de Cicéron, dans le « De legibus » entre la « petite patrie » et la « grande patrie » la première étant l’espace privé et de la sensibilité, la maison ancestrale, les souvenirs d’enfance , les tombeaux, les images des aïeux, et tous les vestiges de notre passé , la seconde
le monde de la transcendance , des temples , des Dieux, du forum , des cirques, du Droit qui assurait la paix .
-in monde qui, loin d’effacer l’autre , le protégeait et le défendait. Songeons aussi aux vers fameux de Virgile :
Tu regere imperio populos, Romane, memento / Haec tibi erunt artes, pacisque imponere morem / Parcere subjectis , et debellare superbos. Quant à toi , Romain, souviens-toi de gouverner les peuples en les soumettant à ton imperium. Telle sera ta politique. Impose-leur la pratique de la paix , épargne ceux qui se sont soumis, et réduis les orgueilleux. Ici encore la petite patrie est protégée par la grande , et c’est cette paix romaine, qui dura cinq siècles , et dont nous avons encore la nostalgie. Ausone pouvait encore écrire , à la fin du quatrième siècle : J’ai mon berceau à Bordeaux , et ma chaise curule à Rome . Et la chaise curule veillait à la ta tranquillité du berceau .Et , bien plus tard , en France, un Du Bellay pouvait chanter la douceur angevine et en même temps glorifier la « France , mère des arts, des armes et des lois » , et Ronsard , et tant d’autres… il aurait été possible d’emboîter, pour ainsi dire ,la Corse dans l’ensemble français, sans qu’elle y perdît son identité. On pouvait rêver d’ un État coiffant deux nations . L’Empire Austro - Hongrois le prouve . Avec un chef unique pour ne pas avoir un peuple dominant et un peuple dominé.
Cet heureux temps n’est plus : on ne pourrait plus dire aujourd’hui : citoyen français de nationalité corse . C’est que l’idéologie révolutionnaire avec les funestes Droits de lHomme sont passés par là . L’émancipation de l’individu, conquête des Lumières a eu pour conséquence la rupture du lien social . Il est impossible , dans le cadre de cet article, de décrire l’évolution qui a conduit le Logos de l’antiquité à la Raison coupée de son origine divine , puis repliée sur l’individu . Le maître-mot des temps modernes et post-modernes est bien : ne rien accepter qui n’ait été expressément voulu par chacun . C’est la négation de tout ce qui nous a été donné en naissant, de tous les liens naturels qui font la famille, la nation , , qui nous font des héritiers, et non des êtres sans passé. C’est aussi la révolte contre Dieu .c’ est ce que nous voyons aujourd’hui. . Les frontières s’effacent dans une planification générale. Les hommes, eux aussi , sont soumis à l’arraisonnement dont parle Heidegger. Mais cela ne va pas sans résistances et sans drames. La Corse en est un exemple .les puissances de la mort veulent la briser, comme elles ont brisé la France .Elles ont leurs valets au sommet de l’Etat et trouvent des complices chez nous , chez ceux-là mêmes qui prétendent sauver la Corse . Ces derniers ont peut-être de bonnes intentions, mais l’ enfer en est pavé. Par malheur ils ont été formés dans les universités françaises. Le cœur est peut-être bon , la tête est mauvaise. Et le poisson pourrit par la tête. En fait ,il ne saurait y avoir de conflit réel entre Macron et nos minimacrons. Ils ont la même vision du monde .Lorsque Darmanln s’est rendu en Corse , porteur des instructions de son maître , ses deux premiers mots ont été « Nous vous avons compris « : claire allusion au fameux « je vous ai compris » de qui vous savez. Et clin d’œil au gai luron de la Corse . La tactique était claire : on allait jouer sur les mots , ruser avec les électeurs, faire semblant de s’opposer, attendre que la révolte se calme , et accorder aux joyeux drilles un peu plus de pouvoirs locaux, ce qui permettra à quelques-uns de se remplir les poches , ( car tout ce que nous a enseigné la France , c’est de vivre de mendicité ), Quant à l’indépendance ils pourraient nous en donner « un peu plus » ce qui prouve qu’ils se moquent de nous, car l’indépendance ne se débite pas par tranches . Bref , tous ces braves gens sont de connivence . Il n’est pas question d’arracher la Corse aux lumières françaises. Le tout est de faire avaler la pilule à des électeurs un peu rustres .C’est là que gît la difficulté .Pour nous c’est une chance .
Nous ne haïssons pas la France , Mais c’est la France de St Louis et de Jeanne d’arc ,que nous vénérons. Nous vomissons au contraire la France de la Révolution et des droits de l’Homme .. Nous en avons compris l’essence satanique , -ce que n’ont pas compris les Papes , qui ont cru qu’ils pourraient pactiser avec elle , - Nous ne supportons plus son fanatisme et sa barbarie. Nous savons que nous n’avons pas d’autre choix
, nous soumettre ou nous révolter , vaincre ou mourir. En Corse est encore possible ce qui est devenu impossible ailleurs .il y a encore chez nous ce qu’on ne trouve plus en France : un peuple. Une foule immense accompagnait Yvan Colonna dans sa dernière demeure, Une foule immense suivait , deux jours après, la procession de la Sainte Vierge . Et c’était la même ! Les Corses sont encore capables de faire bloc . En est-il de même en France ? Par ces temps de détresse, pour parler comme Heidegger, une petite flamme brille encore ,
Et c’est dans la minuscule Corse. Nous préférons être Corses et Chrétiens plutôt que Français et athées. Si St Louis avait été Roi de France en 1769 , jamais la Corse n’aurait été française, et Jeanne d’Arc , qui ne voulait pas d’Anglais en France , aurait-elle voulu des Français en Corse ? Le destin de l’Europe et du monde semble aujourd’hui scellé. Mais l’Histoire réserve de divines surprises. Faudra-t-il nous séparer de la France ? En ce cas ce sera une sécession. Pensons au Sertorius de Corneille. Rome n’est plus dans Rome…
Antoine Luciani