Corsica Catolica

Yvan colona

19 Mars 2022, 21:10pm

Publié par Marie-Thérèse Avon-Soletti

À propos d’Yvan Colonna

Personne n’écoutera-t-il les paroles de cet homme ?

 

 

L’agression d’Yvan Colonna a fait remonter à la surface rancœur et griefs politiques. Mais, la vérité oblige à fouiller plus profondément la question. C’est d’un homme dont il est question, un homme sauvagement agressé et qui se trouve entre la vie et la mort.

 

Avant d’aborder le sujet de l’homme, quelques questions.

Que faisait à l’entretien, un poste qui permet de naviguer librement dans une prison, un djihadiste connu pour son agressivité depuis son incarcération ? N’est-ce pas à des détenus paisibles que doit être confié un tel travail ?

Que faisaient les gardes pendant ce temps puisque c’est l’agresseur lui-même qui a prévenu les gardes de l’état dramatique d’Yvan Colonna. On a vraiment l’impression de se trouver dans un film sur les prisons où les gardes s’éclipsent quand des détenus s’acharnent sur l’un d’entre eux. Espérons que ne soit pas le cas, mais que de « dysfonctionnements » qui prouvent l’état lamentable de nos prisons et le danger qu’y côtoient les détenus.

Et que dire du rôle pitoyable de l’appareil d’État ?

 

En ce qui concerne Yvan Colonna.

Qu’est devenu cet homme dans le monde carcéral ? Que ressentait-il jusqu’à cette attaque ? Personne n’écoutera-t-il les paroles de cet homme ? Personne ne s’intéressera-t-il à la souffrance de cet homme ?

 

Les informations qu’il faut toujours recouper pour tenter de découvrir une parcelle de vérité nous font entrer dans la solitude tragique d’un être humain, désespéré, révolté, abandonné dans son âme pour, finalement, en arriver à se confier à un musulman emprisonné pour terrorisme. Où sont les prêtres ? Où sont les chrétiens qui auraient dû l’aider ? Non pas pour le maintenir dans une haine politique si facile à entretenir, mais pour traverser l’opacité d’un esprit épuisé et découvrir la douleur d’une âme qui a soif, qui a faim de la justice, non des hommes car celle-ci est toujours infirme, mais de Dieu, de la justice de Dieu.

 

Son agresseur prétend qu’il l’a agressé pour un blasphème. Mais si l’on compare bien les articles sur ce rapprochement entre les deux détenus, les paroles d’Yvan Colonna sont toujours centrées sur le même sujet. La volonté d’en finir : « Je veux mourir », et les accusations portées contre Dieu qu’il traite de tous les noms. Comment croire qu’un seul blasphème aurait provoqué cette fureur alors que les blasphèmes qui se succèdent n’ont pas empêché son futur agresseur de continuer à discuter avec lui. Cet homme désespéré et abandonné par ces coreligionnaires était une proie que le djihadiste croyait facile à briser.

 

Combien ont instrumentalisé politiquement Yvan Colonna ? Mais qui a pris soin de son âme, de sa souffrance profonde ? Où sont les prêtres qui ne s’occupent que de leur rituel ou ne dépassent pas les préoccupations d’une assistante sociale ?

Les prêtres ont charge d’âme. Les chrétiens ont charge d’âme également, il ne faut pas l’oublier. Qui s’est préoccupé de l’âme d’Yvan Colonna ? Il n’a trouvé qu’un djihadiste pour pouvoir discuter de ce qui le tourmentait le plus, de cet état d’abandon dans lequel il se trouvait et de cette rage qui l’avait envahi. Ce djihadiste a su trouver la porte qui ouvrait sur l’âme d’Yvan Colonna alors qu’aucun chrétien ne l’avait même cherchée, tant le Christ a déserté les esprits de ceux qui se réclament de Lui.

 

Oui, Yvan Colonna a blasphémé, exhalé sa rancœur de la source qu’il percevait à sa souffrance - Dieu - parce qu’il se voyait abandonné. Mais, cela n’a pas gêné le djihadiste qui a pensé qu’un tel état d’esprit pouvait augurer d’un abandon de la religion dans laquelle le Corse était né. Et comme dans les hôpitaux, dans les prisons, et dans tous les lieux où souffrent les hommes, il a voulu attirer cet homme désespéré vers l’Islam qui, pour lui, est la seule religion. Il a cru dans sa logique qu’il pourrait amener Yvan Colonna à se convertir. Sinon, pour quelle raison ces conversations multiples toujours avec les mêmes accusations contre Dieu qui n’empêchaient pas une entente entre les deux hommes rapportée par tous les témoignages, puis cette soudaine agression ?

 

L’agression vient de là, de ce refus d’Yvan Colonna de trahir ce qui lui avait été transmis. Il a blasphémé contre le Christ parce qu’il souffrait trop. Mais comme le dit le Christ dans l’Évangile : « tout homme qui dira une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera remis » (in Saint Luc 12, 10). En revanche, il a refusé d’aller contre la vérité de la foi de son enfance, il a tenu bon jusqu’au bout. Il n’a pas trahi le Christ même dans l’attaque atroce dont il a été l’objet, puisque son agresseur s’y est repris au moins à trois fois pour l’asphyxier, l’étrangler à mains nues, puis l’étouffer, jusqu’à ce que son corps n’en puisse plus. La lutte a duré un long moment. Yvan Colonna a tenu bon. Physiquement, il a peut-être succombé sous les coups jusqu’à entrer dans le coma. Spirituellement, dans ce combat pour rester lui-même, il est sorti vainqueur. Il est sauvé. Il est resté un combattant fidèle à la foi de ses pères, abandonné des hommes peut-être, mais en unité avec le Christ en croix. Il est dans le coma pour avoir refusé jusqu’au bout de renier le Christ. Respect !

 

Marie-Thérèse Avon-Soletti

Maître de conférences honoraire d’histoire du droit

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