Les Mots Et Les Choses
Travaillons donc à bien penser, voilà le principe de la morale . Plus profondément peut-être Antisthène, le disciple de Socrate, écrit : travaillons à bien parler. Le bon usage des mots, la recherche de leur sens précis, voilà qui conduit à la vérité . Il faut donc surveiller notre langage, nous sommes payés pour le savoir.C’est un mot malheureux qui a provoqué une onde de choc à travers le Cap corse, et s’est élargi à la Corse entière. Que s’est-il donc passé ? Les versions divergent, et se contredisent.Elles se multiplient également. Il est bien difficile de s’y reconnaître. C’était, comme disait notre vieux professeur de Lettres à Ajaccio « une mêlée de dans un tunnel, par une nuit sans lune ». Nous avons laissé un blanc, laissant à nos lecteurs le soin de combler la lacune. Certes notre Professeur ne risque pas la prison, puisque il est mort, mais il risque une condamnation post mortem avec damnatio memoriae. Les peines rétroactives sont d’usage courant.et un criminel du verbe peut être rattrapé par son passé.Nous serons donc extrêmement prudents, à notre habitude : notre devise est « pas d’histoires ». Nous pouvons toutefois noter quelques éléments qui ont émergé de cette confusion et qui sont crédibles. Certains vauriens Corses auraient houspillé d’honorables allogènes établis dans l’île et l’un d’eux aurait même eu recours à des voies de fait (ce qu’il nie, mais Sénèque nous dit que tous les Corses sont menteurs, donc … ). Et surtout il aurait traité nos hôtes de « sales p.d. » C’était la gaffe irrémédiable, « u vizzicu a l’oca » S’il avait dit « sales français » il s’en tirait avec les honneurs, et les Autorités auraient fait repentance, . Mais il avait employé le mot qu’il ne fallait pas. Nous sommes horrifiés.Et le plus beau c’est qu’il croyait avoir bien fait. Il avait agi ,disait-il, « à l’usu anticu » ! Là dessus la presse s’en mêla.Nous ne saurions rapporter en détail l’effet de cette intervention. Nous étions sagement confiné dans notre chambre, suivant les consignes venues d’en haut . Nous ne pouvons que faire état des bruits et rumeurs qui nous sont parvenus , sans garantir leur authenticité. Ce fut un beau scandale ,cela est sûr. Les nationalistes pour qui nos inconscients avaient voté, les lâchèrent. Ils avaient promptement retourné leur veste. et étaient devenus macroniens , ce qui les obligeaient à 9 revoir leur morale . Comme ils se voulaient toujours « en pointe » ils soutenaient maintenant la légalisation de l’inceste. Ils étaient donc obligés de trahir leurs électeurs qui attendaient d’eux un discours conforme à la tradition corse .Il paraît qu’un maire d’un commune voisine avait tenu à exonérer ses administrés du vice d’homophobie, jurant ses grands dieux que presque tous ses administrés avaient au contraire beaucoup de sympathie pour cette élégance mondaine et que ceux-là mêmes qui n’étaient pas homophiles regrettaient de ne pas l’être et faisaient tous leurs efforts pour le devenir.Il était venu venu admonester les insoumis , accompagné du secrétaire de mairie et du premier adjoint .Il n’y était pas allé de main morte :vergogna ! Vergogna di paese ! Vous êtes la honte du village.Mais eux ne comprenaient toujours pas ce qu’ils avaient pu faire de mal .En leur âme et conscience ils se déclaraient innocents . Ils n’avaient fait qu’obéir à la coutume, que Pascal Paoli disait plus forte que la loi.Il fallut bien leur jeter au visage le mot maudit « Vous êtes homophobes »-hommes quoi ?-homophobes ».A vrai dire le maire savait que c’était un gros mot, un mot infâme, mais il ne savait pas ce qu’il signifiait . On fit appel à l’instituteur. Il arriva , muni du dernier Larousse ,très utile pour la novlangue, l’écriture inclusive et certains mots mystérieux nouvellement créés.Ainsi pour « homophobe ». L’instituteur expliqua - « homophobe » vient du grec « homos »qui signifie « semblable » et « phobos »qui signifie « peur » .Vous avez peur de votre semblable.Vous vous rendez compte ! Les enfants corses étaient fiers.Quoi ,rétorquèrent-ils , Nous n’avons peur de personne, qu’il soit semblable ou différent ! Que répondre à cela ? On eut recours au Curé ,qui avait été à l’école des Jésuites .Il fit honneur à sa réputation . C’est un cas, déclara-t- il , extrêmement délicat : il convient de distinguer. Il y a la thèse et il y a l’hypothèse.Selon la thèse , l’homophilie, qui est le contraire de l’homophobie, est un péché grave, voire mortel .Mais il faut tenir compte des circonstances, des coutumes, de l’opinion, enfin des réalités de la vie .La prudence est une vertu chrétienne.C’est ainsi que St Louis, le Roi Juste, ne pouvant empêcher la prostitution, la règlementa. Par mesure prudentielle. Je serais assez de cet avis , mais ,comme je ne sais pas ce qu’en pense l’évêque, par cette même prudence,je m’abstiens de porter un jugement.Je vous conseille de vous adresser directement à l’évêché.Il y a là une nichée de spécialistes qui en savent long sur ce sujet.On s’adressa donc aux spécialistes. Ceux-ci avaient une réponse toute prête, et tirée de l’expérience. Toutefois ils virent là l’occasion de forcer François à déclarer tout haut ce qu’il pensait tout bas : après tout le « rigoureux » et le « flexible » ressemblaient fort à la thèse et l’hypothèse. On téléphona donc à François, qui apparût à la fenêtre d’où il a coutume de s’adresser au monde. Comme l’oracle de Delphes on savait qu’il ne parle ni ne se tait mais qu’il fait signe. On espérait donc enfin un signe clair .qui trancherait le débat.François apparut donc , fit un beau sourire et disparut. À Jésuite Jésuite et demi . Quant à nous, nous n’aurons pas de ces prudences.Dans une affaire aussi grave il faut parler net et frapper fort .Nous disons à ces partisans de l’usu nustrale : « Abrutis ! Vous ne savez pas que depuis la Grande Révolution tout évolue. ? Que ce qui était vrai et bon hier est devenu faux et mauvais ? À preuve : Il y a 2000 ans le soleil tournait autour de la terre. Aujourd’hui c’est la terre qui tourne autour du soleil . Vous avez besoin d’un bon rinçage du cerveau et nous espérons que l’État fera son devoir. Vous étiez tordus ,il vous redressera.Comme il vous a forcés à être libres il vous obligera à être sages .Un petit séjour à l’ombre vous fera les pieds. Mais ils ne comprenaient pas comment de l’ombre pouvait jaillir la lumière , et pourquoi, si leurs mains avaient été coupables , c’étaient leurs pieds qui devaient trinquer .À désespérer .