Les vendeurs du temple
La Pâque des Juifs était proche, et Jésus monta à Jérusalem. Il trouva dans le Temple les vendeurs de bœufs, de brebis et de pigeons, et les changeurs assis. Ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs; il dispersa la monnaie des changeurs et renversa les tables; et il dit aux vendeurs de pigeons : « ôtez cela d’ici, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce » Jean,2,13-17.
Les temps ont changé. On ne comprendrait plus, de nos jours, cette sainte colère. Jésus serait traité de fanatique et subirait les rigueurs de la loi républicaine. Aujourd’hui on trouve tout naturel que nos couvents, où battit pendant des siècles le cœur de la Corse, soient recyclés et reçoivent une destination nouvelle. C’est ainsi que le Corse-matin du 7 avril dernier nous offre quelques splendides photos de nos couvents, les uns déjà « sécularisés » et servant d’écoles , d’hôtels ou de gendarmeries, les autres actuellement en vente et promis à un avenir « laïque ». C’est le monde moderne : on désacralise et on vend à tout venant. Les sociologues nous disent que , désormais, tout est devenu « marchandisable ». Et c’est bien vrai . -Les enfants même s’achètent par internet. Alors pourquoi pas les couvents ? Non sans quelques remords, il est vrai. Le journaliste de Corse - matin nous explique que, malheureusement, la restauration de ces couvents coûterait trop cher et que mieux valait , pour les sauver, « leur donner une seconde vie » plutôt que de les voir s’écrouler. Tel maire s’enorgueillit d’avoir su dénicher un acheteur pour le sien : C’était là le chef-d’œuvre de sa mandature ! Faut-il le condamner ? Il parlait comme un évêque ! Le fait est là : nos sociétés ont perdu le sens du sacré. Et quand on met un édifice sacré sur le marché on ne cherche pas à savoir qui l’achète et ce qu’il veut en faire. La maison de Dieu peut fort bien devenir une maison close.... Les Corses ont , plus longtemps que d’autres , résisté à ce mercantilisme. Il nous souvient de l’admiration d’un vieux et savant bénédictin pour ces Corses qui préféraient voir leur maison s’écrouler plutôt que de la vendre : ils ne pouvaient supporter l’idée que la demeure de leurs ancêtres soit un jour occupée par de riches bourgeois qui viendraient s’y prélasser,et en effaceraient le souvenir. Cette vente aurait été pour eux un sacrilège. A plus forte raison la vente d’un couvent, où tant d’âmes pieuses avaient prié et qui conservaient les reliques de saints moines. Ces couvents avaient été bâtis par nos anciens pour y adorer le Seigneur et toute autre destination serait une profanation. Sans compter que l’histoire de la Corse s’est écrite dans ses couvents. Leur vente est peut-être légale ( encore qu’ils aient été volés à notre clergé par une république athée ) mais elle est illégitime. Ils sont le patrimoine de la Corse, et nul n’a le droit d’en disposer. Corsica Catolica se doit de protester contre la violation des droits de notre peuple et le sacrilège des vendeurs comme des acheteurs, puisque nos évêques se taisent, et ferment les yeux sur la simonie, en bons représentants d’une Église non pas séparée de l’Etat mais soumise à lui . Oui, nous aurions préféré que nos couvents s’écroulent plutôt que de servir le Veau d’or. D’ailleurs qui peut prévoir l’avenir ? On dit que le christianisme disparaît, mais l’Histoire réserve des surprises. Ces vieux édifices délabrés, désertés, désolés, que l’on dits voués à la disparition, sont peut-être en attente. En attente de Dieu. N’y touchez pas , marchands du Temple !
Antoine Luciani
Corsica Catolica