Où va le « nationalisme » corse ?
Première question : y a-t-il un nationalisme corse ? Aux dernières élections, tout le monde, en Hexagonie comme en Corse, s’est écrié : la Corse a voté nationaliste !
Quelle erreur ! La Corse, ou du moins ses dirigeants, ont voté pour « La ligue des droits de l’Homme » et les idéaux maçonniques. Il suffisait, pour le comprendre, d’entendre leurs discours : communauté de destin, vivre ensemble, dialogue, écoute de l’autre, - bref tout le vocabulaire des fameux et funestes « Droits de l’Homme ». Les électeurs, peu cultivés pour la plupart, ont suivi, moutons de Panurge – et cependant beaucoup ont compris qu’ils avaient été floués. Le pays légal avait voté pour « la Corse ouverte et heureuse ». Ouverte, Dieu sait qu’elle l’est, et chaque jour davantage. Heureuse ? Oui, comme ceux qui obéissent à une pulsion de mort. De fait, la Corse meurt en chantant : il suffit de lire l’unique journal insulaire, Corse-Matin, pour s’en rendre compte : quelle effervescence, quelle vitalité fusent de toutes parts : dans le domaine artistique, culturel, intellectuel, industriel, commercial. On pense à l’Athènes de Périclès, au siècle d’Auguste, de Louis XIV… Et ce n’est que de la vermine qui grouille sur une charogne, et qui s’en nourrit ! Car la Corse n’est plus qu’une expression géographique : les corses sont devenus une petite minorité, qui se réduit chaque année comme une peau de chagrin ; minorité elle-même rongée par un esprit étranger ; aliénation totale d’un peuple qui fut fort, et parla le plus puissant idiome de l’Italie, au jugement de Tommaseo. Nous avions espéré un sursaut salvateur avec la montée du « nationalisme ». Les débuts furent en effet prometteurs. Deux jeunes médecins avaient réveillé un peuple endormi – avec pour devise « vaincre ou mourir ». Et nous eûmes Aleria, et la Rue Fesch. Hélas ! Inutile de se voiler la face : des forces délétères, venues de l’Hexagone, pénétrèrent le mouvement ; elles manœuvrèrent intelligemment –on doit le reconnaître- ; la Ligue des Droits de l’Homme, notamment, offrit ses services pour la défense des embastillés corses, et de leurs droits, cependant que les clans traditionnels, inféodés aux partis français, de gauche comme de droite, restaient indifférents au sort des prisonniers. Mais l’appui donné aux patriotes insulaires avait un prix : l’adoption des idéologies issues de la Révolution : on vit apparaître alors les slogans que nous connaissons bien : communauté de destin, vivre ensemble, écoute de l’autre, etc. Toutes armes destinées à saper les fondements du nationalisme, et que nos nationalistes adoptèrent avec ferveur, par inconscience ou par cynisme. Pascal Paoli lui-même – le Père de la Nation – fut impudemment travesti en « Homme des lumières », en fils spirituel de Voltaire et de Rousseau, lui qui n’avait jamais lu une ligne du premier, et tenait le second en piètre estime (bâtisseur de châteaux en Espagne), lui qui avait arraché la Corse à la France après l’exécution du Roi, et n’avait jamais caché son abomination pour une Révolution qui détruisait les fondements de la société et persécutait la religion. Bref, Pascal Paoli coiffé du bonnet phrygien, il fallait le faire, et nos « nationalistes » l’ont fait.
Le résultat de ce beau travail fut la victoire électorale des dernières élections, qui fit croire à un vote « nationaliste » ! C’était en vérité un vote français et gauchiste, comme on put le constater par la suite : ces héros de l’indépendance freinèrent des quatre fers tous les mouvements populaires qui affirmaient l’existence et le vouloir-vivre d’un peuple menacé. Ils furent le pâle reflet des « indépendantistes » catalans, avant de prôner « l’inscription de la Corse dans la Constitution »-ce qui est une façon bien originale de lutter pour l’indépendance, on en conviendra.
Et maintenant, voilà que leurs trois députés s’enorgueillissent de défendre la Corse au Palais Bourbon. Ils ignorent sans doute qu’un député corse, élu par des corses, dès son élection, n’est plus qu’un député français, fait pour défendre les intérêts de la grande nation une et indivisible, et lui donner des lois – et non pour défendre les intérêts de leurs mandants… Un député corse n’est plus qu’un Français, donc, objectivement, et malgré toutes ses bonnes intentions, dont nous ne doutons pas, un traître à la Corse. Mais qu’importent les contradictions ? On danse la pavane. Pendant ce temps, les Républicains rigolent. Ce n’est pas tous les jours en effet que l’on peut goûter pareille pitrerie.