« Heureux ceux qui sont morts pour leur âtre et leur feu, Et les pauvres honneurs des maisons paternelles. »
Le 8 mai dernier la Corse commémorait son 8 mai à elle, une défaite, et non une victoire. Ponte Novo, c’est le « champ des merles » serbe. Une défaite qui signifie : « battus peut-être, soumis jamais ». Et pourtant, ce jour fut triste : la Corse, dans ses dirigeants politiques venait de capituler devant l’envahisseur, par un reniement de tout ce qui avait fait la force des mouvements « nationalistes ». Les masques étaient tombés, les vainqueurs des élections étaient les vaincus de l’Histoire. Ce qui paraissait audace se révélait pantalonnade. Le serment sur la « giustificazione » avait été une farce d’histrions. Ce 8 mai fut un vrai jour de deuil pour la Corse.
Seul, dans cet effondrement sans honneur, se dressa un prêtre en soutane, qui, aux portes de la mort, avait trouvé la force d’aller célébrer la messe, et rappeler le sens de cette cérémonie. Les dirigeants « nationalistes » s’étaient tus, ; on ne vit, on n’entendit que l’homme en soutane.
Quel symbole ! Il nous rappelait que la lutte nationale n’avait de sens que si un sentiment religieux l’inspirait. Il renouait avec notre passé, et celui de l’Humanité toute entière. Car les hommes, de tous temps et en tous lieux, se sentent liés au pays qui les a vus naître et où reposent leurs ancêtres. Est-il besoin de rappeler Ulysse et sa pierreuse Ithaque, objet de sa nostalgie ? Le patriotisme est un sentiment religieux, ou alors c’est une idéologie sanguinaire. « Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie/Ont droit qu’à leurs cercueils la foule vienne et prie ». Victor Hugo rejoint ici Péguy.
Nous ne jetons pas la pierre à nos minables « nationalistes ». Le cœur était corse, mais la tête était française, nous voulons dire par là imprégnée de l’idéologie des Droits de l’Homme. C’est ce qui ressortait déjà de la définition qu’ils donnaient de la Corse dans leurs rêves : « la Corse est une démocratie laïque ». Cela voulait dire que sa religion était la démocratie, au sens moderne, et qu’elle rompait avec la religion de nos ancêtres, comme avec toute religion. Ceux qui parlaient ainsi croyaient peut-être être corses ; ils ne l’étaient pas. Un vrai Corse aurait dit, spontanément : « La Corse est une république paoline ».
Les conséquences de ce dévoiement étaient inéluctables. La lutte nationaliste avait perdu sa raison d’être. Sans âme, la chair s’était affaissée ; et l’on se rabattit désormais sur le ramassage des poubelles, le traitement des déchets, la desserte maritime, le prix des billets d’avion, et autres sujets certes intéressants mais peu propres à susciter l’héroïsme, et qui n’appelaient pas à l’indépendance. De fait l’indépendance fut renvoyées aux calendes corses, malgré des discours qui ne trompent plus personne. La Corse du « o vince o more » avait choisi le chemin de l’apaisement –définitif : celui du cimetière.
« Corsica Catolica » ne se soumet pas.
Certes, elle ne prêche pas le soulèvement armé. Quelque juste qu’il soit – car tous les hexagons sont d’accord pour dire que la révolte contre Gênes était légitime ; mais alors combien plus juste serait la révolte contre l’Hexagonie ? Gênes nous opprimait, l’Hexagone nous supprime – Donc, quelque juste qu’il soit, il n’aurait aujourd’hui d’autre effet que de jeter dans les geôles les modernes insurgés. Mais nous avons des armes spirituelles, autrement puissante que les mitraillettes. Nous voulons former une élite, une chevalerie ascétique et guerrière, comme au Moyen Age, qui attendra son heure. Le combat est aujourd’hui planétaire, c’est la lumière contre les ténèbres. Tout compromis serait une compromission. La Patrie terrestre est une image de notre Patrie céleste, et elle en est sacralisée. Roland mourant tendit son gant au Ciel, et les anges en descendirent pour emmener l’âme du Preux au Paradis. Il nous montre le chemin ; comme Circinellu et Agostino Giafferri, - et d’autres, plus récents qui hélas ! paraissent tombés dans l’oubli.