Un combat de géants
On l’avait annoncé ; il a eu lieu , sur le plateau de Cuntrastu. Deux champions : d’un côté le penseur, l’intellectuel, le Philosophe, habitant de l’Empirée ; de l’autre le terrien, l’Avocat, habile en rhétorique, et tout en ficelles, le connaisseur des réalités politiques et du concret. En somme, Platon contre Périclès.
De fait, l’annonce tint ses promesses, et ce fut une rude empoignade.
Honneur au philosophe ! Il fit une belle démonstration de Démocratie directe et participative. Selon lui, il faut d’urgence « désacraliser les symboles ». Ne pas travailler le 8 décembre, quelle horreur ! Une date « artificielle religieuse » !Si encore c’était une date « naturelle athée »… Mais non ! Il faut supprimer le religieux. Et pourquoi, dira-t-on ? Parce que Biancarelli le veut, qu’il est « laïc », et que tous les « laïcs » sont athées. Inutile de consulter le Peuple. Il ne peut que penser comme Biancarelli, évidemment. On dirait que nous sommes en Corée du Nord et non en Corse du Sud. Si un jour le Tout Puissant maître de ce pays venait à disparaître, son successeur est tout trouvé. On rase les églises et on brise les statues. Le problème c’est que, malgré tout, l’Homme est un animal religieux en même temps que social et politique ; mais la solution est simple, et elle s’impose : il faut désacraliser les symboles en sacralisant Biancarelli. Le jour de sa naissance sera déclaré férié, et sa statue sera érigée dans tout l’espace public, et même privé, puisque le privé est compris dans le public. Biancarelli Roi de Corse. Et, comme la Corse est le centre du monde, Biancarelli Roi du Monde ! Triomphe de la Démocratie et de la Libération de l’Homme.
Nous n’aurons garde de chipoter notre Roi sur la propriété de son vocabulaire, la limpidité de ses idées et la rigueur de son raisonnement. Si nous ne le comprenons pas, lui se comprend, et c’est l’essentiel.
Nous admirerons plutôt la vigueur de ses pointes. Pauvre Gilles ! Comme son adversaire l’emberlusque, l’endrosse, le patatronise, le gargandouille, l’enfoulque, l’empitracule, le cacarellise ! Le malheureux, envoyé dans les cordes, en est réduit à vanter sa maîtrise dans la récolte des ordures et l’enfouissement des déchets ; et, pour se donner un peu d’air, son espoir de faire baisser le prix des billets d’avion… Pauvre Gilles ! Platon a écrasé Périclès.
Mais ce n’est peut-être qu’une apparence. Frères ennemis, mais frères. Car nos deux protagonistes sont d’accord sur l’essentiel ; tous deux sont fils de Macron (quoique supérieurs à leur père). Ce sont des « humanistes » - au sens actuel du terme, qui n’a rien à voir avec l’humanisme » de Ronsard. Le mot est beau, mais, sous la paille, la réalité pue. Nous, nous sommes chrétiens. Et l’ « Humanisme » n’est pas le christianisme. Il en est même l’ennemi mortel. C’est la raison principale de cet article ; une autre raison, c’est de montrer à quelle hauteur s’élève le débat insulaire.