Faut-il bannir le « Dio Vi Salvi Regina » ?
Cet hymne à la Vierge est aussi l’hymne national de la Corse. Il parle encore à notre cœur. J’ai connu un garçon de mon âge, qui avait quitté la Corse, s’était marié sur le continent, où il s’était établi. Il n’était revenu au pays que pour enterrer ses parents. Tout le monde disait : « il n’est plus des nôtres, il s’est ‘impizutitu’ » . Il est mort, il y a quelques années. Sa sœur, qui était allée à ses obsèques, m’avait dit en rentrant au village : tu sais, dans la doublure de sa veste, nous avons senti quelque chose ; nous avons décousu et nous avons trouvé une feuille avec, écrit avec grand soin, le Dio Vi Salvi Regina ! »Il avait emporté sa patrie avec lui. Et son fils vient maintenant régulièrement au village. Voilà donc l’hymne que l’on est en train d’effacer de la mémoire des Corses. Il en est de même du « Perdono mio Dio » du Vendredi Saint. On dira que ces vieux chants « sont du passé », qu’il faut « suivre le progrès ». Avec plus de vérité, on devrait dire qu’il faut « désitalianiser » la religion des Corses. Or, je me souviens qu’il y a plusieurs années, nous avions demandé à tous nos compatriotes illustres leur signature pour une pétition en faveur de la promotion de l’italien dans l’enseignement Corse. Tous nous avaient répondu très favorablement, et nous avaient félicité de notre initiative. Mgr Arrighi, qui exerçait alors d’importantes fonctions au Vatican, avait ajouté, dans sa réponse : « n’oubliez pas que l’Eglise de Corse prie en italien ». Et cela était vrai. Ces vieux chants faisaient partie de notre culture ; nos ancêtres les avaient chantés et nous les avaient transmis. Ils nous touchent encore. Pourquoi vouloir les supprimer ?
Parce que – c’est la seule réponse possible - l’Eglise de France demeure gallicane. Déjà, sous Louis XIV, les évêques préféraient obéir au Roi plutôt qu’au Pape. Un Roi qui, au demeurant, malgré ses fautes personnelles, dont il se confessa en mourant, était le « Très chrétien ». Aujourd’hui, à la tête de l’Etat, nous avons des ennemis de l’Eglise fanatiques – qu’ils soient de gauche ou de droite - mais l’Eglise de France n’a pas changé : elle obéit à César plutôt qu’à Dieu. Et César est aujourd’hui un fils de la Révolution, et de ses « lumières ». Qu’importe ? L’Eglise rampe devant lui. Et voilà pourquoi elle « désitalianise » - c’est à dire « décorsise » la religion corse. Avec cela on se plaint que la transmission de la foi n’ait pas été faite. Sans doute d’autres causes ont joué, en Corse « comme partout ailleurs ». Mais cette « décorsisation » est une cause supplémentaire, que l’on aurait tort de sous-estimer.
En somme, si l’on demandait aux évêques de l’Eglise gallicane : « que préfèreriez-vous ? Etre Français dans un état athée, ou Corses sous un gouvernement chrétien ? Nul doute qu’ils répondraient : « Français ! »Ils sont vraiment du bois dont on fait les martyrs. Quant à nous, à Corsica Catolica », nous préférons être chrétiens et Corses, plutôt que Français et athées.